Le programme de recherche pluridisciplinaire sur le lien entre exposition à la chlordécone et survenue du cancer de la prostate aux Antilles
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Bien que l’incidence globale des cancers soit plus faible en Guadeloupe et en Martinique qu’en métropole, le cancer de la prostate y est plus fréquent. Outre les facteurs de risque connus (âge, antécédents familiaux, origine ethnique, habitudes de vie), l’impact des facteurs environnementaux, notamment la chlordécone, suscite des inquiétudes. L’Institut national du cancer soutient des recherches pour mieux comprendre le lien entre cet insecticide, utilisé de 1972 à 1993, et le risque de cancer de la prostate, ainsi que ses implications sociales dans les Antilles.
Lancement d’un programme de recherche multidisciplinaire
Afin d’apporter des réponses à la population antillaise, et mieux comprendre le cancer de la prostate dans le contexte de la Caraïbe française, l’Institut a mis en place une approche pluridisciplinaire innovante. Pour guider et soutenir le développement de cette recherche, qui doit se faire à un niveau d’excellence internationale, cette approche associe :
- un comité scientifique composé des meilleurs experts internationaux en épidémiologie environnementale, en évaluation des risques, en urologie, en génétique et en toxicologie. Ce comité scientifique, comme tous ceux que l’Institut met en place, agit en toute indépendance ;
- un comité d’appui composé d’organismes, d’agences publiques et de groupes de réflexion nationaux et locaux (Guadeloupe et Martinique) concernés par cette problématique.
S’appuyant sur les préconisations de ces comités, l’Institut a diffusé en juin 2020 un appel à candidatures visant l’élaboration d’un programme de recherche transversal d’une durée de cinq ans. Doté d’un budget de 3,450 millions d’euros, ce programme s’inscrit aussi dans le cadre du plan chlordécone IV (2021-2027) qui a pour objectif de protéger au mieux la population antillaise face à la pollution à la chlordécone, et de prendre en charge les impacts liés à cette pollution.
Cinq chercheurs indépendants, coordonnant des équipes de recherche constituées pour le programme et couvrant différentes disciplines ont été sélectionnés et composent aujourd’hui un consortium pluridisciplinaire mobilisé sur l’étude du lien entre l’exposition à la chlordécone et la survenue du cancer de la prostate.
Un séminaire de lancement organisé par l'Institut
Afin de présenter le programme de recherche du consortium et les quatre grands axes qui le composent, l’Institut a organisé un séminaire virtuel de lancement accessible à tous, le mardi 9 novembre 2021. Ouvert par le Professeur Norbert Ifrah, président de l’Institut national du cancer, ce séminaire a également donné la parole à des experts renommés de santé environnementale issus du comité scientifique international. Il s’est terminé par un temps d’échange sur les enjeux liés à cette recherche avec les membres du consortium, avant d’être clôturé par le Pr Alain Eychène, directeur du pôle Recherche de l’Institut.
Les quatre axes de travail portés par le consortium de chercheurs
Sous la responsabilité de Clarisse Joachim-Contaret (Maître de conférences des universités-Praticienne hospitalière de Santé publique à l’Université des Antilles, Directrice du Registre général des cancers de la Martinique au CHU de Martinique), un premier groupe de travail s’intéresse à l’étude des données pré-existantes (2010-2019) à partir :
- des registres généraux des cancers de la Guadeloupe, de la Martinique et de France métropolitaine ;
- de la cartographie de l'évaluation de l'exposition.
Les données concernant la fréquence, l'agressivité et la mortalité du cancer de la prostate seront modélisées avec la géolocalisation des cas de cancer et la cartographie des sols contaminés.
Il s’agira également de comparer les données existantes avec celles disponibles dans d’autres régions en Europe et dans la Caraïbe, afin d’avoir un panorama de données épidémiologiques d’intérêt scientifique pour les populations concernées.
Sous la responsabilité de Florence Menegaux (directrice de recherche à l’Inserm), le deuxième groupe de travail mettra en place une nouvelle étude épidémiologique de type cas-témoins réalisée en Martinique. Les données comprendront un questionnaire détaillé, des mesures du poids et des prélèvements sanguins pour mesurer les taux de chlordécone, d'autres pesticides, et les marqueurs génétiques associés au risque de cancer de la prostate.
Sous la responsabilité conjointe de Malcom Ferdinand et Sara Aguiton (chercheurs au CNRS), le troisième groupe de travail étudiera, en Martinique et en Guadeloupe, l’expérience individuelle, les mobilisations sociales et les dispositifs institutionnels liés à la contamination par les pesticides, dont la chlordécone, à l'aide d'entretiens et d'un questionnaire en ligne. Des entretiens seront également réalisés chez des patients atteints du cancer de la prostate et d’autres maladies potentiellement associées à une contamination par la chlordécone.
Sous la responsabilité de Gaëlle Fromont (directrice adjointe d’une unité de recherche à l’Inserm et Professeure des universités-praticienne hospitalière à l’Université de Tours), le quatrième groupe de travail évaluera la distribution de la chlordécone dans le sang, le tissu gras et le tissu de la prostate, ainsi que les effets de l'exposition à la chlordécone sur les marqueurs d’agressivité du cancer de la prostate. Ces effets seront évalués en utilisant des cultures de cellules cancéreuses prostatiques d'origine caucasienne et africaine, et des cultures de fragments de cancer. La signature moléculaire liée à l’exposition au chlordécone sera validée sur des patients atteints de cancer de la prostate.
Découvrez le replay du séminaire de lancement