Reconnaissance d'un cancer en maladie professionnelle
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L’exposition à des agents cancérogènes en milieu de travail peut être responsable, au moins en partie, d’un cancer et donner lieu, sous certaines conditions, à une reconnaissance en tant que maladie professionnelle. Cette démarche permet au patient de bénéficier de certaines prestations sociales et lui ouvre droit à l’indemnisation du préjudice subi. La déclaration d’une maladie professionnelle auprès de l’Assurance maladie doit respecter certaines règles pour être entérinée.
Le rôle des médecins, généralistes ou spécialistes, prenant en charge des patients atteints de cancers, est majeur dans le repérage, l’information et la prise en charge médico-administrative des personnes ayant été exposées à des cancérogènes en milieu de travail. En effet, la majorité des cancers liés au travail apparaît après la cessation de l’activité professionnelle et le suivi par la médecine du travail.
État des lieux
Les cancers sont sous-déclarés, sous-reconnus et sous-indemnisés comme maladies professionnelles, notamment du fait de l'insuffisance d'informations fiables sur les expositions antérieures du patient. En plus du temps de latence souvent important entre l'exposition et la survenue de la maladie, doivent être pris en compte :
- de nombreux facteurs de risque, professionnels ou non (potentialisation des risques)
- la traçabilité incomplète de l’ensemble des expositions
- la difficulté à évaluer le risque
À l'exception des cancers liés à l’amiante, généralement mieux reconnus, l’Inserm estime que seuls 15 à 30 % des cancers liés à des expositions en milieu professionnel sont reconnus comme maladies professionnelles (Goldberg et Luce, 2007).
Cette situation entraîne la sous-déclaration des cancers liés au milieu de travail et leur non-indemnisation au titre des maladies professionnelles, ainsi qu’une protection sociale amoindrie pour le salarié. En 2013, 1 707 cancers ont été reconnus et indemnisés au titre des maladies professionnelles par la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts), un nombre en diminution de 10,3 % par rapport à 2012. Sur la période 2009-2013, en moyenne annuelle, 1 791 cancers ont été reconnus comme maladie professionnelle et ont donné lieu à une première indemnisation par l’Assurance maladie, avec un pic en 2012. Les expositions anciennes à l'amiante sont encore responsables de l'essentiel des cancers reconnus (1 567 en 2009), très loin devant ceux liés à d'autres agents cancérogènes (poussières de bois : 71, benzène : 44).
Afin d’améliorer la reconnaissance des cancers professionnels, différents dispositifs d’évaluation et de traçabilité des expositions en milieu professionnel sont actuellement développés et des études de cohorte sont régulièrement menées.
Pourquoi déclarer un cancer en maladie professionnelle ?
La reconnaissance d’une maladie professionnelle permet au patient de bénéficier de prestations sociales particulières :
- une prise en charge à 100 %, sans avance de frais, des soins liés à sa maladie professionnelle
- en cas d’arrêt de travail pour maladie professionnelle : des indemnités journalières plus élevées qu’en cas d’arrêt maladie, sans délai de carence
- en cas de séquelles définitives : le versement d’une rente ou d’une indemnité
- en cas de décès imputable à la maladie professionnelle : le versement d’une rente aux ayants droit
Pour les victimes de l’amiante, d’autres prestations sont également envisageables, comme l’indemnisation par le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) ou le droit à une allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA).
De plus, la reconnaissance en maladie professionnelle fournit une protection accrue au patient pendant l’arrêt de travail et lors de la reprise (aménagement de poste de travail, reclassement, doublement éventuel des indemnités en cas de licenciement).
Comment déclarer un cancer en maladie professionnelle ?
La déclaration de maladie professionnelle doit être faite par la victime (ou ses ayants-droits) à la Sécurité sociale dans un délai de deux ans à partir de l’information d’un lien possible entre cette maladie et une activité professionnelle passée ou actuelle. Cette déclaration doit s’accompagner d'un certificat médical initial descriptif établi par un médecin, généraliste ou spécialiste.
Le système de reconnaissance des cancers professionnels est fondé sur le principe de la présomption de l'imputabilité. Il repose sur des tableaux fixant les critères de reconnaissance de chaque maladie. On en compte 16 pour le régime général et le régime agricole de la Sécurité sociale.
Il est possible de reconnaître le caractère professionnel d'une maladie non mentionnée dans l’un de ces tableaux si cette pathologie est directement imputable à l'activité professionnelle de la victime et qu’elle entraîne son décès ou une incapacité permanente d'au moins 25 %.
Le comité régional de reconnaissance en pathologie professionnelle (CRRMP) appréciera l'existence d'un lien de causalité « direct et essentiel » entre l'activité professionnelle et la pathologie, dans le cadre d’une expertise individuelle basée sur les éléments fournis. Le comité peut être saisi directement par la victime ou par sa caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) ou de Mutualité sociale agricole (MSA).
En pratique : aider vos patients à faire reconnaître une maladie professionnelle
Médecin généraliste ou spécialiste, vous jouez un rôle majeur dans la reconnaissance d’un cancer en maladie professionnelle.
Vous pouvez aider vos patients à reconstituer une éventuelle exposition professionnelle, présente ou passée, en leur posant certaines questions sur leur cursus professionnel :
- Dans quels types de secteurs travaillent-ils ou ont-ils travaillé, et à quels postes ?
- Dans leurs activités, à quelles expositions ont-ils été soumis ? Pendant combien de temps et à quelle époque ?
- Lors des visites de médecine du travail, leur a-t-on déjà parlé de risque de cancer lié à une exposition professionnelle ?
- Font-ils ou ont-ils fait l’objet d’une surveillance médicale particulière dans le cadre de leur travail ?
- Disposent-ils d’une attestation d’exposition à certains risques cancérogènes ?
- D’autres collègues effectuant ou ayant effectué les mêmes types de travaux souffrent-ils de cancers ?
Vous pouvez aussi rédiger le certificat médical initial descriptif, indispensable aux patients pour la déclaration de maladie professionnelle.
Si vous soupçonnez une origine professionnelle à une pathologie, notamment un cancer, vous pouvez adresser le patient à un centre de consultations de pathologies professionnelles. Il en existe 32 en France, répartis par régions. Ces centres ont pour missions de :
- aider au diagnostic médical et au traitement de patients victimes de maladies secondaires aux expositions professionnelles
- aider les patients concernés dans leurs démarches médico-administratives
- coordonner certains suivis post-professionnels ou post-expositions et de proposer des dépistages approfondis, en particulier chez les travailleurs indépendants
Si le patient est encore en activité et qu’il ne s’y oppose pas, vous pouvez également demander l’avis du médecin du travail. Enfin, vous pouvez rappeler à vos patients les règles de prévention pour certains facteurs de risque de cancers présents à la fois dans l'environnement professionnel et liés au comportement individuel, comme les UV, et les inciter, selon leur situation, à respecter les règles de sécurité individuelles et collectives mises en place dans leur entreprise. À noter : le fait qu’un patient soit fumeur ou ancien fumeur n’est pas un obstacle à une déclaration de maladie professionnelle, dès lors qu’il a été exposé à un agent cancérogène en milieu professionnel.
Le risque engendré par certains agents cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR) rencontrés en milieu de travail est reconnu. Des investigations scientifiques sont en cours concernant d'autres substances.
Des études ont permis d'identifier un certain nombre de facteurs professionnels susceptibles d'augmenter les risques de cancer. Néanmoins, la connaissance, souvent partielle de la toxicité des produits, des mélanges de produits ou des composés intermédiaires générés au cours des procédés industriels ajoute à la complexité de la mise en application de mesures de prévention visant à réduire la survenue des cancers professionnels.
Les différents agents identifiés rencontrés en milieu de travail peuvent être classés en fonction de leurs différents niveaux de risque cancérogène :
- les facteurs reconnus cancérogènes (groupe 1 du CIRC) faisant l'objet d'une surveillance ciblée sur des formes tumorales :
- l'amiante (cancers du poumon, de la plèvre-mésothéliome, cancers du larynx et de l'ovaire)
- les poussières de bois (cancers nasosinusiens)
- les rayonnements ionisants (hémopathies malignes, cancers du poumon, du sein et de la thyroïde)
- le radon (cancers des bronches et du poumon)
- la silice (cancers du poumon)
- les métaux : cadmium, chrome VI, nickel, cobalt (cancers du poumon), benzène (hémopathies malignes)
- les brouillards d'acides forts minéraux (cancers du larynx),
- les Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques - HAP (cancers du poumon, de la peau et de la vessie, lien suggéré avec les cancers du sein), etc
- les facteurs reconnus cancérogènes mais pour lesquels on constate un manque de données concernant notamment l'appréciation de l'exposition et la méconnaissance des mécanismes toxicologiques mis en œuvre : l'arsenic (cancers du poumon), le béryllium (cancers du poumon), l'oxyde d'éthylène (hémopathies malignes), etc.
- les facteurs débattus. Quelques exemples peuvent être cités :
- les pesticides (cancers de la prostate, hémopathies malignes, tumeurs cérébrales). Le CIRC a classé l'application professionnelle d'insecticides non arsenicaux dans les activités relevant du groupe 2A – cancérogène probable pour l'homme
- les champs électromagnétiques de radio-fréquences (tumeurs cérébrales) et les champs électriques et magnétiques à extrêmement basse fréquence (CEM-EBF) (tumeurs cérébrales) et certaines fibres minérales artificielles (fibres céramiques réfractaires (cancers bronchiques) sont classées par le CIRC dans la catégorie 2B (peut-être cancérogènes pour l'être humain)
- les perturbateurs endocriniens : plusieurs études sont en cours. Le Plan santé au travail 2016-2020 les considère comme des "risques émergents"
Les principaux cancers liés à des expositions professionnelles
Les principaux types de cancers pour lesquels un lien a été établi avec des substances de l'environnement professionnel sont :
- le cancer du poumon (amiante et autres produits toxiques)
- le mésothéliome (dont la cause principale est l'amiante)
- le cancer des cavités nasales (poussières de bois, nickel, chrome)
- le cancer de la vessie (amines aromatiques et goudrons de houille)
- des leucémies (benzène, rayonnements ionisants)
Type de cancer | Principaux facteurs de risques professionnels identifiés | Pourcentage estimé |
---|---|---|
Cancers du poumon | Amiante, rayonnements ionisants, radon, silice, métaux, HAP, etc. | 10 à 20 % |
Mésothéliomes | Amiante | 85 % |
Cancers de la vessie | Amines aromatiques et HAP | 2 à 14 % |
Cancers naso-sinusiens | Bois, nickel, chrome, cuir | 7 à 40 % |
Leucémies | Benzène et rayonnements ionisants | 5 à 18 % |
Source : AFSSET : dossier Santé-environnement : fiche cancer environnement, 2005
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Documents à télécharger
Cancers professionnels - pourquoi et comment déclarer en maladie professionnelle (avril 2015)
PDF 301 kB
Fiche Repère "La prévention primaire des cancers en France"
PDF 360 kB
Fiche repère « Pesticides et risques de cancers, état des connaissances » (juillet 2014)
PDF 2 MB
Cancers de la peau : risques professionnels
PDF 1 MB
Amiante et mésothéliome pleural malin
PDF 1 MB
Aider les professionnels de santé des soins primaires à relever le défi du dépistage personnalisé des cancers
PDF 2 MB
Fiche repère « Cancers et substances chimiques » (mars 2009)
PDF 1007 kB
Fiche repère Risques de cancers et pesticides
PDF 891 kB
Textes de référence
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Liens utiles
L’Institut national de recherche et de sécurité (INRS)
Les tableaux des maladies professionnelles sur le site de l'INRS