Les perturbateurs endocriniens
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L’organisation mondiale de la santé définit les perturbateurs endocriniens ainsi : « une substance ou un mélange de substances qui altère les fonctions du système endocrinien et, de ce fait, induit des effets nocifs sur la santé d’un organisme intact, de ses descendants ou de (sous-)populations. ».
À quoi sert le système endocrinien ?
Le système endocrinien regroupe les glandes qui sécrètent des hormones : thyroïde, ovaires, testicules, pancréas… Libérées dans le sang, ces hormones agissent comme des messages chimiques naturels entre les différents organes du corps. Elles permettent de réguler certaines fonctions de l’organisme : la croissance, le métabolisme, le développement cérébral et sexuel, la reproduction, l’alimentation.
Elles participent ainsi au bon fonctionnement et à l'équilibre du corps humain.
Le système endocrinien © Pierre Bourcier
Où retrouve-t-on les perturbateurs endocriniens ?
Des molécules soupçonnées d’avoir un potentiel effet de perturbateur endocrinien sont présentes dans notre environnement quotidien et notamment dans :
- l'air ;
- l'eau ;
- certains aliments : pesticides dans l’alimentation, additifs alimentaires, migration de substances depuis les ustensiles de cuisine et emballages alimentaires (barquettes en plastiques, canettes, conserves, bouteille d’eau, vaisselle en carton..), contamination des sols de cultures par les pesticides, résidus d’hormones dans la viande (c’est-à-dire des traces des substances administrées aux animaux)…
- certains cosmétiques, jouets, textiles, produits d’entretien
- certains médicaments
Perturbateurs endocriniens à « risque avéré ou probable de cancer » © Pierre Bourcier
Exposition aux perturbateurs endocriniens en milieu professionnel
En milieu professionnel, les expositions aux perturbateurs endocriniens peuvent être plus importantes. Plusieurs secteurs sont concernés, tant au niveau de la production que de l'utilisation :
- agriculture (manipulation de pesticides) ;
- industrie pharmaceutique (production d'hormones) ;
- industrie chimique (fabrication des pesticides, matières plastiques) ;
- personnels de ménage, coiffeurs...
Pour en savoir plus sur les sources d'exposition dans l’environnement professionnel
Quelles conséquences pour la santé ?
De nombreuses études sur les effets des perturbateurs endocriniens sur l’organisme ont été menées chez les animaux et chez les humains.
Les niveaux de preuve de l’impact des perturbateurs endocriniens sur la santé sont aujourd’hui variables selon les molécules avec pour certaines d’entre elles, des effets probables sur :
- la santé reproductive : il peut s’agir de troubles de la fertilité, de malformations génitales, ou encore d’une puberté précoce ;
- les troubles métaboliques, en lien avec l’obésité, ou le diabète ;
- les pathologies thyroïdiennes ;
- sur les processus de cancérogenèse.
Y a-t-il un lien entre perturbateurs endocriniens et cancers ?
Des perturbateurs endocriniens sont aujourd’hui reconnus comme étant responsables de cancers dits « hormono-dépendants », comme les cancers de la thyroïde, de la prostate, du sein, de l'ovaire et du testicule.
Pour d’autres substances, l’effet cancérogène est seulement suspecté.
Les perturbateurs endocriniens cancérogènes avérés
Ci-dessous, sont citées les substances perturbatrices endocriniennes jugées cancérogènes sur la base de données scientifiques solides :
- Le diéthylstilbestrol (DES) : médicament utilisé en France sous les noms de spécialités Distilbène®, Furostilboestrol® et Stilboestrol-Borne® entre 1948 et 1977 pour la prévention des fausses couches et des accouchements prématurés. L’exposition au DES augmente le risque relatif (RR) de cancer du sein chez les femmes en ayant pris durant leur grossesse et augmente également le risque de cancer du vagin, du sein et de l'utérus chez leurs filles ;
- Les traitements hormonaux de la ménopause (THM), qu’ils soient à base d’œstrogènes seuls ou d’estroprogestatifs (combinaison d’œstrogènes et de progestatifs). Ainsi, les femmes prenant des THM estroprogestatifs ont un risque augmenté de cancer du sein et de l’endomètre, et ce risque augmente avec la durée de la prise du traitement ;
- Les contraceptifs oraux estroprogestatifs sont associés à une augmentation du risque de cancer du sein. Une augmentation du risque de cancer du col de l’utérus a également été décrite chez les utilisatrices de contraception orale, notamment pour les durées de prise supérieures à 8 ans. Ces risques sont cependant à pondérer avec les effets protecteurs des contraceptifs sur le risque de cancers de l’endomètre et de l’ovaire. Au total, la pilule serait en cause dans la survenue de 600 cas de cancer du sein et du col de l’utérus par an et éviterait 2500 cas de cancers de l’endomètre et des ovaires. Les pilules à base de progestatifs seuls ne semblent pas associées au risque de cancer.
A noter que certaines substances ayant des propriétés de perturbateurs endocriniens ont également un effet cancérogène avéré sur des localisations non endocriniennes. Il s’agit notamment des dioxines dont la dioxine 2, 3, 7, 8 TCDD dite dioxine Sévéso, considérée comme cancérogène chez l’homme, tous organes confondus.
Le benzo[a]pyrène est également considéré comme cancérogène de par ses propriétés génotoxiques.
L’exposition aux polychlorobiphényles (PCB) est quant à elle impliquée dans le développement de mélanomes malins.
Le formaldéhyde est quant à lui impliqué dans la survenue de leucémie, et notamment de leucémie myéloïde.
Les perturbateurs endocriniens suspectés d’être cancérogènes
Certains perturbateurs endocriniens sont suspectés de favoriser le développement de cancers.
Il s’agit des :
- polychlorobiphényles (PCB) impliqués dans la survenue de cancer du sein et de lymphome malin non-hodgkinien : ce sont des composés organiques de synthèse, le plus souvent liquides, interdits en France depuis 1987. Ces polluants persistants sont retrouvés principalement dans l’alimentation d'origine animale, en particulier les poissons et les fruits de mer. Une enquête de la DGCCRF en 2016 analyse 45 échantillons alimentaires, tous conformes à la réglementation ;
- hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) dont trois sont classés cancérogènes probables et 11 sont classés cancérogènes possibles pour le poumon, la vessie et la peau ;
- les phtalates ont quant à eux un rôle controversé dans la survenue de cancers du foie et du testicule ;
- certains pesticides organochlorés comme :
- la chlordécone : cette substance a été classée cancérogène possible (2B) par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) en 1979. Cet insecticide utilisé aux Antilles françaises dans le passé, persiste de nos jours dans les milieux naturels insulaires. La consommation des denrées alimentaires contaminées a entraîné́ une contamination de l’ensemble de la population. La présomption forte d’un lien entre l’exposition au chlordécone de la population générale et le risque de survenue de cancer de la prostate a été́ confirmée. En considérant l’ensemble des données épidémiologiques et toxicologiques disponibles, la causalité́ de la relation est jugée vraisemblable ;
- le DDT (ou 1,1,1-trichloro-2,2-bis(4-chlorophényle) éthane) qui est un insecticide désormais interdit.
Quelles sont les actions des pouvoirs publics pour réduire les expositions aux perturbateurs endocriniens ?
Au niveau national
La prise de conscience de l’importance du sujet des perturbateurs endocriniens a conduit le Gouvernement à s’engager, lors de la conférence environnementale de septembre 2012, à définir une stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens. Une première stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE 1) a été publiée en avril 2014.
Une seconde stratégie (SNPE 2) a été lancée en septembre 2019. Elle vise à réduire l’exposition de la population aux perturbateurs endocriniens et leur contamination de l’environnement avec trois objectifs prioritaires :
- former, informer, pour que chacun, qu’il soit professionnel, en particulier professionnel de santé, agent d’une collectivité, scolaire ou jeune parent, puisse accéder à une information fiable sur les PE ;
- protéger la population et l’environnement, dans une approche « Une seule santé » ;
- améliorer les connaissances et promouvoir la recherche pour mieux comprendre les modes d’action des perturbateurs endocriniens, identifier les pathologies dont ils peuvent être à l’origine et renforcer la surveillance des populations.
Depuis le 1er janvier 2017, et la mise en application de la « loi Labbé », les collectivités n’ont plus le droit d’utiliser les pesticides chimiques sur les espaces verts, les forêts, les voiries ou les promenades accessibles ou ouverts au public. Depuis 2019, les particuliers ne peuvent plus acheter, utiliser et stocker de pesticides pour jardiner et désherber. En juillet 2022, cette interdiction d’usage des pesticides s’est étendue à tous les lieux privés à usage collectif ou accueillant du public (hôtels, auberges, terrains de camping, parcs résidentiels de loisirs, cimetières, équipements sportifs…).
Au niveau européen
La mise sur le marché des substances reconnues comme perturbateurs endocriniens est soumise au règlement européen REACh (Registration, Evaluation and Authorisation of Chemicals). Ce règlement de l'Union européenne a été adopté pour mieux protéger la santé humaine et l'environnement contre les risques liés aux substances chimiques, tout en favorisant la compétitivité de l'industrie chimique de l'UE : relatif à la fabrication, à la mise sur le marché et l’utilisation de très nombreux produits chimiques, il impose des procédures qui conduisent l’industrie à communiquer davantage d’informations sur les dangers, les risques et les mesures de réduction des risques associés aux substances chimiques. REACH établit des procédures pour la collecte et l'évaluation d'informations sur les propriétés et les dangers des substances chimiques. Les entreprises doivent enregistrer les substances et, pour ce faire, collaborer avec les autres entreprises qui enregistrent les mêmes substances. L'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) reçoit et évalue les enregistrements individuels pour vérifier que ceux-ci respectent la législation, et les États membres de l'UE évaluent certaines substances choisies pour clarifier les préoccupations initiales pour la santé humaine ou pour l'environnement.
Depuis avril 2023, une définition harmonisée des perturbateurs endocriniens est entrée en vigueur via un règlement délégué modifiant le règlement relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des produits chimiques (CLP). Ce règlement introduit de nouvelles classes de dangers pour les perturbateurs endocriniens concernant la santé humaine et l’environnement.
Focus sur les PFAS
Les substances per-ou polyfluoroalkyles (PFAS) sont une large famille de plusieurs milliers de composés chimiques. Elles présentent de nombreuses propriétés (antiadhésives, imperméabilisantes, résistantes aux fortes chaleurs) qui ont encouragé leur fabrication puis leur utilisation par de multiples secteurs industriels. Les PFAS sont des molécules très persistantes, largement répandues dans l’environnement et bioaccumulables. Elles sont aussi appelées « polluants éternels ».
Les PFAS peuvent également persister plusieurs années dans l’organisme. Des membres de cette famille de milliers de composés chimiques sont retrouvés dans le sang de tous les Français lors des enquêtes de surveillance.
Au sein de la famille des PFAS, les propriétés (physico-chimie, toxicité, écotoxicité, impacts sur la santé humaine et la biodiversité…) de certaines molécules sont bien connues – en particulier l’acide perfluorooctanoïque (PFOA) et l'acide perfluorooctanesulfonique (PFOS) – et des méthodes d’analyse sont disponibles, permettant leur surveillance dans différents milieux. Ainsi une surveillance est déjà mise en place par les Agences régionales de santé de certains territoires concernant leur présence dans l’eau potable, conformément à la directive européenne 2020/2184.
Exemple du bisphénol A (BPA)
Le bisphénol A (ou BPA) est un perturbateur endocrinien pour la santé humaine officiellement reconnu par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) depuis 2017. Même à de faibles niveaux d'exposition au BPA les études scientifiques font état d'effets sanitaires avérés chez l'animal et suspectés chez l'homme. Il serait responsable de troubles de la reproduction, et d’effets cancérogènes, notamment sur la glande mammaire animal. Les résultats chez l’animal ne peuvent cependant être extrapolés directement à l’homme.
Par précaution, la loi française n° 2012-1442 du 24 décembre 2012 a interdit le bisphénol A dans les contenants destinés aux enfants de moins de trois ans, notamment dans les biberons. Cette loi interdit également les collerettes de tétines, de sucettes et les anneaux de dentition pour bébés contenant ce produit. En 2015, l’interdiction du BPA a été entendue à tous les contenants alimentaires. Dans l'état actuel des connaissances, l'Anses n'encourage pas à utiliser d'autres bisphénols en substitution du BPA.
Par ailleurs un règlement de la Commission européenne interdit la mise sur le marché du BPA dans le papier thermique (qui compose les tickets de caisse) à une concentration égale ou supérieure à 0,02% à compter du 2 janvier 2020.
Comment réduire son exposition aux perturbateurs endocriniens ?
Par précaution, il existe de nombreux gestes simples et économiques permettant de réduire l’exposition et l’imprégnation de l’organisme aux perturbateurs endocriniens, selon les différentes voies d’exposition.
Voie alimentaire
Les nouvelles recommandations nutritionnels de Santé publique France sont de :
- privilégier les aliments d’origine biologique ;
- privilégier le « fait maison » en utilisant des produits frais ou des aliments surgelés non préparés comme des légumes nature ou des filets de poisson nature ;
- éviter les plats préparés et les autres produits ultra-transformés comme les biscuits, les barres chocolatées, les encas sucrés et salés, les sodas. En plus d’être gras, sucrés ou salés, ces produits contiennent de nombreux additifs (colorants, émulsifiants, conservateurs, exhausteurs de goût, arômes…) ;
- ne pas consommer plus de deux fois par semaine du poisson du fait de leur haute teneur en polluants et métaux lourds et varier les espèces de poissons consommés (limiter sa consommation d’anguille, barbeau, brème, carpe, silure).
De plus, il convient, par précaution, d’éviter de faire chauffer des aliments dans des contenants en plastique ou de mettre des aliments chauds dans de tels contenants, ainsi que de ne pas utiliser de poêles antiadhésives dont le revêtement est très visiblement endommagé.
Voie aérienne
Afin de réduire la pollution de l’air intérieur, Santé publique France recommande de :
- aérer au moins 10 minutes par jour son logement, quelle que soit la période de l’année ;
- cette aération doit être plus importante lors de travaux de bricolage, de cuisine, de ménage, de douche et de bain ;
- limiter l’usage en nombre et en quantité des produits entretien ;
- respecter les conditions d’utilisation des produits entretien ;
- de ne jamais mélanger plusieurs produits d’entretien ;
- éviter les sources de polluants de l’air intérieur (diffuseur d’odeur, sprays, encens, bougies parfumées, vaporisateurs de parfum).
Tous les conseils précédents s’appliquent d’autant plus à des publics plus fragiles comme les femmes enceintes et les jeunes enfants, auxquels s’ajoutent certaines recommandations spécifiques comme :
- Limiter l’exposition des femmes enceintes et des jeunes enfants aux produits chimiques (travaux de peintures, pesticides domestiques, produits d’entretien, produits cosmétiques, bougies et encens) ;
- Préférer les produits d’entretien comme le vinaigre blanc, le bicarbonate de soude et le savon noir ;
- Utiliser le moins possible de crèmes et cosmétiques, sur la femme enceinte et le nourrisson ;
- Eviter les parfums et produits parfumés ;
- Eviter les teintures pour cheveux, y compris les teintures dites « naturelles » comme le henné.
Pour aller plus loin, vous pouvez également consultez le guide de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie : Moins de produits toxiques.
Liens utiles
- Le dossier de l'Inserm sur les perturbateurs endocriniens
- Le dossier du portail Cancer Environnement sur les perturbateurs endocriniens
- Le dossier de Santé publique France