Médecine de précision : quel médicament, pour quel patient ?

Sur les 51 traitements de la médecine de précision aujourd’hui disponibles, 27 sont prescrits, comme les chimiothérapies conventionnelles, selon les critères cliniques classiques (localisation tumorale, stade de la maladie, traitements précédents…).

Même si ces 27 médicaments (23 thérapies ciblées et 4 traitements d’immunothérapie spécifique) s’attaquent à des mécanismes biologiques très spécifiques, les chercheurs n’ont pas réussi à mettre en évidence au sein des tumeurs des anomalies qui permettraient d’identifier précisément les patients les plus susceptibles de tirer un bénéfice de ces traitements.

Ces traitements sont donc donnés à tous, avec des degrés d’efficacité très variables : un même traitement sera très efficace chez un certain nombre de patients alors qu’il sera inefficace chez d’autres. Par exemple, moins de 30% des patients vont réellement tirer un bénéfice des traitements antiangiogéniques.

En revanche, pour les 24 autres médicaments de médecine de précision aujourd’hui disponibles dans 9 localisations tumorales, des anomalies spécifiques ont pu être mises en évidence au sein des tumeurs. Elles permettent d’identifier, soit les patients susceptibles d’en tirer le meilleur bénéfice, soit au contraire ceux qui n’en tireront aucun bénéfice. Leur autorisation de mise sur le marché est ainsi réservée à certains groupes de patients.

Des examens effectués en laboratoire sur les tumeurs, appelés tests moléculaires, permettent d'identifier les patients pouvant bénéficier de ces traitements ciblés. On parle aussi de biomarqueurs pour désigner les anomalies identifiables par ces tests. Ainsi, la prescription du traitement est guidée par la présence d’une de ces anomalies. On dit alors que la prescription du traitement est conditionnée par la présence d’un biomarqueur. À titre d’exemple, le vemurafenib et le dabrafenib, des inhibiteurs du gène BRAF, ne peuvent être prescrits qu’aux patients présentant un mélanome métastatique porteur de certaines mutations de ce gène.

L’intérêt de ces tests est notamment d’éviter d’administrer à un certain nombre de patients des traitements qui leur seraient inutiles et qui se révèleraient le plus souvent toxiques. Grâce à cette approche, on espère pouvoir à terme prescrire un traitement adapté spécifiquement à chaque patient et ainsi aboutir à une médecine réellement personnalisée.

Tous les patients avec un même type de cancer ne recevront donc pas le même médicament, le choix du traitement reposant sur la nature des anomalies moléculaires présentes dans leur tumeur. En outre, le pourcentage de patients pouvant bénéficier d’une thérapie ciblée varie beaucoup selon les pathologies. Par exemple, dans la leucémie myéloïde chronique 95% des patients présentent la translocation BCR-ABL et peuvent donc prétendre à un traitement ciblant cette anomalie.

En revanche, dans le cancer du poumon non à petites cellules, seuls 11% des patients présentent une mutation de l’EGFR, 3% une translocation du gène ALK et 1.5% une translocation du gène ROS1 donnant accès à des thérapies ciblées. Pour les autres patients atteints de ce cancer, certaines anomalies moléculaires ont été découvertes mais les traitements les ciblant sont encore en phase d’essais cliniques.

Pathologie

Biomarqueur

% de patients présentant l'anomalie moléculaire

Cancer colorectal

Mutation de RAS

49

Cancer de l'estomac

Amplification de HER2

18

Cancer du sein

Amplification de HER2

18

Cancer de l'ovaire, des trompes de Fallope ou du péritoine

Mutation de BRCA

19-28*

Cancer du poumon (CBNPC)

Mutation d'EGFR

11

Translocation d'ALK

3

Translocation de ROS1

1

Tumeur stromale gastro-intestinale (GIST)

Mutation de KIT

62

Mutation de PDGFRA

17

Mélanome

Mutation V600 de BRAF

35

Leucémie myéloïde chronique (LMC)

Translocation de BCR-ABL

95*

Leucémie aiguë lymphoblastique (LAL)

Translocation de BCR-ABL

~30*

Données issues des plateformes de génétique moléculaire (ou de la littérature *).